- « Nous, les indiens, nous sommes comme le vent, comme lui nous allons de vallées en vallées, à la rencontre des êtres et des choses »

Indien Kogi (Colombie)





Pourquoi une « ligne verte »...?

Longtemps l’homme a cru que s’offraient à lui des espaces et des ressources illimités. Une croyance qui sous-tend largement ses modes de représentations et ses comportements, structurés autour de l’idée d’augmentation sans limite des possibles, des profits et du progrès. Or, il n’en est rien, la terre est un espace borné, où l’on ne peut plus se contenter de reporter plus loin, ailleurs, les problèmes et les difficultés, sous peine de mettre en péril notre intégrité physique et psychologique. Un comportement générateur de déséquilibres majeurs, qui interroge sur ce que l’idée « d’humanisme » ou « d’humanité » peut recouvrir, dans un monde où l’inhumanité semble parfois prédominer et où les limites homme/nature, homme/machine s’estompent, quand elles ne disparaissent pas totalement dans certains esprits.

Aujourd’hui, il y a urgence. Urgence à retrouver ces chemins « d’humanité », chemin du don et du partage ; don de temps, d’énergie, d’argent, de compétences, de présence, pour nourrir une finalité sociale, voire humaine, plus large qu’une stricte finalité de survie économique. Pour être capable de donner, il faut s’ouvrir aux autres, au monde, à soi, être en paix. C’est possible sous la contrainte, il est urgent que cela redevienne possible par choix, celui « d’être » humain.

« Etre ensemble demain » est en effet un choix, celui d’un avenir commun possible. Jean-Jacques Rousseau parlait d’un « Contrat social », pourquoi un tel contrat ne serait-il possible que sous la contrainte ; Michel Serre rajoute l’idée de « Contrat naturel ». Là encore, faudra-til attendre les pires ruptures, les pires contraintes, issues de nos choix de développement, avant de réagir ?

Finalement, qu’est-ce qui amène l’homme à « tenter » d’être humain, c’est-à-dire à faire le choix d’une solidarité choisie et non plus subie. À l’heure où se généralisent les constats alarmants sur l’avenir de notre planète, où se multiplient les appels à une prise de conscience et à une évolution radicale de nos comportements, Ligne verte Terres de Paix, se propose d’ouvrir quelques pistes pragmatiques, proposer quelques idées, pour passer du savoir au pouvoir, puis au vouloir, pour passer du constat à l’agir. Pour donner enfin au vivant, comme disait le géographe Elisée Reclus, la chance « d’être humain ».

« L’homme, c’est la nature prenant conscience d’elle-même. » Elisée Reclus

Ligne verte, terres de paix... il y a des murs qu'il faut savoir défendre :
Nombreuses sont les communautés racines, qui tentent de faire valoir leurs droits, défendre leurs territoires et promouvoir des projets à même de faire vivre leurs cultures et de préserver leurs regards sur le monde. Certaines de ces communautés, souvent relayées par des ONG occidentales, arrivent à faire entendre leurs voix, parfois obtenir des soutiens techniques et financiers pour la mise en oeuvre de leur projet, d'autres, meurent en silence étouffées par l'extension de notre modernité et son cortège de destructions. En tentant de faire entendre leur voix, les quelques 300 millions de personnes, qui représentent environ 6000 communautés, répartis dans 70 pays, veulent nous alerter sur la diversité des regards sur le monde, leur nécessités, et l'urgence que nous avons, nous qui vivons essentiellement en ville, de retrouver notre lien à la nature, à l'autre et donc à nous même. Permettre aux communautés « racines », d'entretenir leurs regards sur le monde, c'est se donner l'opportunité de s'enrichir de leur différence, cette autre façon de vivre le présent, afin de déconstruire notre regard et de s'ouvrir à la multiplicité du monde.

« Les peuples premiers doivent être appréciés dans le temps long de l’histoire comme en réserve. Dans la crise majeure que l’occident traverse, ils peuvent nous faire bénéficier de leur philosophie et de leur esprit créatif »

Jean MALAURIE Anthropogéographe, « L’Allée des baleines », Mille et une nuits